Fondation Vasarely
DIGITALE DÉFIANCE

La seule critique définitive est la création. - Maurice Lemaître (1)

L’édition 2018 du Festival des Arts GAMERZ propose un temps de partage autour de visions artistiques spéculatives élaborées à partir de l’hyper-développement technologique actuel. Elle rassemble des artistes issus de divers horizons, en proposant une sélection d’oeuvres accompagnée d’une série d’événements qui explorent et tissent un lien entre les champs de la création et les théories des média (2). Intitulée « Digitale Défiance », cette exposition se concentre sur différentes pratiques artistiques comme autant d’alternatives aux visions techno-centrées pour nous inviter au dialogue et observer ses effets du point de vue social, politique et écologique.

L’exposition s’appuie sur la notion de droit à « la souveraineté technologique » (3) développée par Alexandra Haché (4), qui consiste à affirmer la nécessité pour les peuples à maîtriser les outils techniques qu’ils utilisent. Si les révolutions et les avant-gardes (5) passées ont permis l’accès des peuples aux techniques de l’écriture/lecture, celles d’aujourd’hui ne peuvent se passer de connaître le fonctionnement des nouvelles technologies, dont le rôle dans notre existence, professionnelle ou privée, est devenu capital.

En moins d’un siècle, la notion de progrès est devenue indissociable de celle d’innovation technologique. L’accroissement de la vitesse de calcul des microprocesseurs, la miniaturisation des circuits électroniques ainsi que leur fabrication en grande série sont devenus les moteurs d’une consommation de masse à l’échelle de notre planète qui détermine la croissance économique et devient un des indicateurs majeurs de cette notion de progrès. La rapidité de ces mécanismes semble balayer toute notion d’écologie à une vitesse quasi totalitaire, aux dépens d’un temps de pause nécessaire à la compréhension des mécanismes sociaux et technologiques qui opèrent actuellement. Les artistes réunis ici mettent au jour les risques liés à cette perte de maîtrise et jouent le rôle de « lanceurs d’alerte » anticipant les crises à venir.

Les installations et les performances développées sont en lien direct avec l’actualité des technologies qu’elles mettent à l’épreuve, sondent, et questionnent dans leurs utilisations. Ces productions s’engagent dans une diversité de pratiques produisant un renouvellement des esthétiques, de la mise en oeuvre des supports allant du détournement de Google Earth©, du recyclage de matériaux, des récits de science-fiction, aux stratégies d’occupation de la bande FM. Au-delà des critiques liées à une rhétorique de l’innovation mise au service du progrès technique comme moyen d’exploitation, certains artistes et chercheurs reprennent le contrôle et nous invitent à des expériences sensibles en renouvelant les imaginaires (6).

II est encore possible de maîtriser et de détourner ces évolutions en développant des usages utopiques. Le champ des arts usuellement porteur de changements, parait être un terrain spécifiquement fertile à cette culture. Il reste à modeler notre propre environnement technique et revendiquer le droit à une souveraineté technologique des peuples et des artistes.

1 https://mauricelemaitre.wordpress.com
2 McLuhan Marshall, Pour comprendre les médias, 1977
3 https://www.ritimo.org/IMG/pdf/dossier-st1.pdf
4 https://www.ritimo.org/HACHE-Alex
5 Fabien Hein, Do it yourself ! Autodétermination et culture punk, 2012
6 http://www.conceptlab.com/criticalmaking/