Gamerz-Festival #09
Aix-en-Provence

du 10 au 20 octobre 2013
Festival des Arts Multimédia
Entrée libre et gratuite

M2F Créations

Elisa Fantozzi

Sète, France


http://www.elisafantozzi.com/
Les Marchands du Temple, sculptures, 2001


Il y a un art de bercer les sensibilités et de leur préparer des rêves, de mettre en forme et en ordre toutes nos croyances pour que nos attentes se réalisent. Parfois, il arrive, à force d’idéalisme et d’espérance forcenée, il arrive qu’on reprenne contact avec la réalité... Pas forcément un atterrissage dans lequel on s’écrase lamentablement sur le sol, non, mais en planant, tout simplement, on croise parfois une distance et un point de vue insoupçonné. Cet art d’enchanter les sceptiques se définit comme autant de preuves qui se veulent rassurantes, accumulées sous une forme votive, elles se définissent par une matérialité crue permettant à tout un chacun de s’y accrocher et d’espérer a volonté.


La sculpture, habituellement entendue comme l’art d’une production ‘la moins perfectible’ par les retranchements successifs qui la constitue, est ici au contraire dans le travail d’Elisa Fantozzi, celle surabondante des rajouts multiples et variés de stéréotypes. Le moulage à l’infini d’une trace sans modèle, le comble d’un objet de croyance et sa transformation en objet de consommation. La plastique figurative des collections de pièces de l’artiste joue pleinement ce rôle d’une matérialité affirmée dans sa dimension pétrifiée et possessive. Elisa assure à chacune de ses pièces l’autonomie nécessaire et la cohérence de ses petits mondes symboliques, aux valeurs à la fois usées et commune de la croyance. L’emploi de couleurs primaires chatoyantes servies par une technique et un souci graphique détaillé, confère à chaque pièce une stature autoritaire et attrayante à la rhétorique publicitaire. C’est à fleur de peau que les moulures de personnages mythiques ou religieux produisent leurs réactions épidermiques, hybrides, sortes d’états d’âmes ou d’irruption cutanée due à la rencontre improbable d’un monde commun, sans rapports. C’est au spectateur qu’incombe alors le devoir de réalité par l’invention d’un sourire qui est à mon goût l’élément décisif mis en œuvre par l’artiste. Non pas un rire, mais une petite lueur quasi indistincte de l’esprit, une fraîcheur déjà coquette qui hésiterait entre sophistication et simplicité.
Quel poids et quel pouvoir sommes-nous prêt à placer dans ce petit plaisir particulier que nous confient les visions proposées ? Est-ce celui de notre conscience ou de notre inconscience devant notre propre crédulité ?
Ou s’agit-il plutôt de notre incrédulité ?


Sans doute chacun peut-il, et se doit-il, de réagir avec sa propre sensibilité engagée par une œuvre. Par contre, la générosité déployée par l’artiste ici, je ne peux me résoudre à la résumer dans l’élaboration systématique de ses totems de croyances, par la pratique cynique et iconoclaste d’un recyclage pur et simple qui fonctionnerait tel un dictionnaire de mots insensés dont on a omis de fournir les définitions. J’entends par-là que nos croyances sont comme des grilles de lecture du monde qui nous entoure et qu’elles restent transparentes pour celui à qui elles appartiennent. Il n’est pas question de décider si la représentation de la Vierge Marie est plus crédible qu’une balance nous fournissant la mesure en kilogramme de toutes choses mais, de faire apparaître à la conscience nos crédulités quand nos convictions n’ont plus le pouvoir de s’ajuster avec le monde qui l’entoure. Cette non-conformité, cet accident se manifesterait pour moi, notamment, par ce sourire que j’ai cité plus haut. Non une amertume, non plus qu’une révolte mais, un signal dessinant instantanément la forme mobile d’un ébranlement qui force la distance. Un rappel à la pleine conscience d’eux même des amours propres distraits par l’autorité d’artefacts colorés.


Peut-on présumer d’un tel prêche, car finalement, n’est-on pas nous même sensible à la sincérité communicative des œuvres, à cette gaieté qui se dégage de leur ensemble ? Peut-être le monde n’est-il ni triste, ni gaie, et se serait à nous et à nous seuls, de le faire émerger dans ce que nous désirons le plus chèrement ? Il se pourrait qu’en cela même réside toute une part de la contribution artistique, celle de poser une pierre à l’édification de convictions. D’ailleurs n’est-il pas question, encore là, que de croyance ?


BORIS SALLES 2003